mercredi 21 décembre 2011

"Vysotsky, merci d'être en vie"

   Pendant les deux premiers mois que j'ai passé ici, j'ai été atteinte de convulsions touristiques. Les syndromes sont assez facilement reconnaissables: envie irrépressible de sortir l'appareil photo de la poche, planification de centaines de voyages et de visites, découverte d'une passion insoupçonnée pour la culture du pays (et oui, j'ai même commencé à m'intéresser à l'histoire, qui l'eut cru?) et surtout appétit infini pour être sûre de ne pas passer à côté d'un de ces délicieux plats traditionnels... Peut être est-ce à cause de l'hiver qui arrive (même s'il a mis le temps) et qui me décourage de sortir les mains de ma poche pour prendre des clichés à tout va, ou peut être encore est-ce du à la baisse de moral qui s'est diffusé dans l'obshejitié à cause du départ d'une grande partie de sa population, mais maintenant je suis guéri de ce "trouble du comportement". Tout ça pour m'excuser de ne plus écrire aussi souvent sur mon blog et de ne pas vous émerveiller par des photos de ce pays si exotique. Cela dit, j'ai bien conscience que cette maladie était en fait une très bonne maladie. Après avoir pour la centième fois répété à la femme de ménage que cela allait de soi, nous nettoyons bien après chaque passage dans la cuisine et dit au revoir au dernier italien encore présent ici, j'ai donc pris le temps d'aller voir le musée de Vysotsky aujourd'hui pour fuir l'ambiance un peu moribonde qui règne dans les couloirs déserts de la résidence. 


   Mon intérêt pour Vladimir Vysotsky est né en cours de sociologie, alors que le prof avait décidé de nous faire un cours sur ce chanteur et acteur soviétique. Tout au long du diaporama qu'il nous présentait, je me suis laissée captiver par les chansons qui l'accompagnaient. L'artiste est né en 1938 et mort en 1980. Pour moi, Vladimir Vysotsky est un peu à la Russie ce que Renaud est à la France. D'une voie aussi éraillée que mon idole française, il déclame des textes poignants sur des sujets très variés, faisant autant l'éloge de l'amour que l'hommage aux guerriers morts au front. Dans un style aussi  populaire que M. Sechan, il mêle dans sa poésie sentiments et humour. Il ne mâche pas non plus ses mots, et le pouvoir, le jugeant trop gênant, lui mettra d'ailleurs plusieurs bâtons dans les roues. Son mariage avec Marina Vlady, une française d'origine russe rencontrée à Moscou alors qu'ils jouaient tous les deux au théâtre Tagansky, lui permettra cependant de voyager et de se rendre à Paris à plusieurs reprises. Mais il ne restera jamais bien longtemps loin de son pays natal. Dernière triste ressemblance enfin, les meilleurs artistes s'avèrent être les plus sensibles et traversent souvent des périodes difficiles. Vladimir Vysostky ne fait pas d'exception à la règle et son refuge dans l'alcool ainsi que ces états d'âme lui vaudront une crise cardiaque et un départ dans l'anonymat.


   Le film russe "Vysotsky, merci d'être en vie" sorti le 1er de ce mois, retrace d'ailleurs une partie de sa vie, durant laquelle il flirtait d'un peu trop près avec la drogue... Malheureusement, je serais incapable de vous en dire plus sachant que je n'ai pas compris la moitié du film...

samedi 10 décembre 2011

Un pas de trop pour le parti "Russie unie"...

   Alors que la conférence de Durban me paraissait un bel exemple d'hypocrisie puisque même l'hiver russe est doux cette année et que malgré mon optimisme sans faille, je commençais a désespérer de la situation climatique mondiale, la neige a finie par pointer le bout de son nez à Moscou... Mais à peine, juste de quoi rappeler au Kremlin la couleur de la révolution que le peuple mène d'une main (qu'il veut) ferme en ce moment. En effet, les contestataires des élections législatives qui ont eu lieu dernièrement arboraient ce samedi 10 décembre un ruban blanc. Car le parti de Poutine "Russie unie" l'a une fois de plus remporté avec un score de 49,54%, mais dès l'annonce des résultats, le Web russe a été assailli d'une agitation énorme, et le soir même défilaient dans les rues des milliers de jeunes en colère. Les fraudes semblent visibles comme le nez sur le visage de Poutine... Tous les mécontents s'accordent à penser que "Russie unie" aurait obtenu à peu près 30% des voix et non un peu moins de 50 comme il a été officiellement déclaré. Cela étant dit, la manifestation de ce samedi a quand même été autorisé. Mais le gouvernement a continué d'appliquer une politique répressive et a encadré la mobilisation d'une manière qui ne laissait aucun doute sur la liberté de l'individu en Russie... Dans la totalité du pays plus de 1600 opposants ont déjà été arrêtés.



   Alors que la police a estimé à 2000 personnes le nombre de manifestants, les leaders du mouvement de contestation quant à eux en ont dénombré plus de 4000. 

On distingue mal sur cette photo la foule qui s'étend de la place Bolotnaïa, à gauche du pont jusqu'à la rue de droite.

   En réalité, il est difficile de se rendre compte du nombre de mobilisés lors d'une manifestation, je peux seulement dire que lorsque j'étais au milieu de cette foule, composée de tous les partis opposants à "Russie unie" ainsi que de simples babouchkas harassées par un régime autoritaire ou d'étudiants désireux de liberté, je sentais une réelle force qui émanait d'elle. 

  
 "Ces élections sont comme la feuille de vigne* qui ne peut dissimuler la honte!" 
"Mr Poutine! Si vous pensez que nous sommes un troupeau de moutons, vous vous trompez profondément!"


   Et même si on se doute bien que les revendications de ces gens ne sont pas prêtes d'être satisfaites en voyant ces centaines de militaires et de policiers armés jusqu'au cou à l'affut du moindre geste en trop, on peut quand même espérer que la plus grosse manifestation contre le régime Poutine depuis son arrivée au pouvoir en 2000 conduira à une amélioration. La révolte nécessitera surtout du temps, mais les meneurs semblent déterminés à ne pas baisser les bras avant d'avoir obtenu le recompte des voix, la démission de Tchourov (président de la commission électorale centrale) ainsi que la remise en liberté des interpellés. Si j'ai bien compris (permettez moi de douter de ma compréhension du russe), une autre manifestation est déjà prévu pour le 17 ou le 18 décembre. Et le peuple scandait à tue tête: "Nous reviendrons!". A noter qu'à l’ère de l'informatique, toute l'organisation de ce mouvement se fait par le biais des réseaux sociaux tels que Facebook ou Vkontakte (l'équivalent du Facebook russe).

  "Vous n'avez pas voulu nous écouter, nous vous forcerons à nous voir"

* Référence métaphorique à la Genèse biblique, où Adam et Ève utilisent une feuille de figuier pour dissimuler leur nudité. En français, l'expression est devenu "feuille de vigne".